Elian
le bavard, Elian qui chahute dans la cour
devient, en classe
Elian l´absent,
absent de lui-même
lorsqu'il se retrouve
face à son cahier.
et puis lorsqu'il s'agit
de prendre
la parole ,
Elian refuse,
secouant sa longue frange,
rougit, se ferme.
Détournant le regard,
Elian semble
craindre sa maîtresse,
Elle qui trouve cet enfant si attachant,
elle aimerait tant apprivoiser l'animal qui la tient à distance.
Alors, elle lui a proposé un changement de place, loin du tableau, loin du bureau,
loin d'elle. [une hypothèse, un test, une expérience]
Alors, de loin en loin, elle provoque
des petites conversations en passant près de sa table.
" Est-ce que tu comprends les consignes ?"
- ça va, répond l'enfant
La maîtresse lit dans le regard serein de l'enfant qu'elle fait fausse route.
- C'est parce que le travail est trop difficile?
- Non, répète l'enfant avec une légère assurance.
[manifeste-t-il reellement ce qu'il ressent?]
- Peut-être as-tu peur de te tromper?"
Et là, la maîtresse perd le contact avec l´enfant, un enfant qui s'agite, puis qui ,
en se tournant vers l'adulte, lâche un " oui j'ai peur de me tromper!"
Elian vient de cette fameuse classe,
celle où les enfants s'éteignent sous les cris de la maîtresse,
celle des dimanches soirs aux maux de ventre, indices de l'humiliation;
cette classe où les enfants fragiles perdent confiance en l'adulte,
confiance dans les apprentissages, confiance en eux.
La maman d'Elian, de sortie en sortie, de jour en jour, se rapproche
de la grille, se rapproche de la maîtresse
[ Faudrait-il, elle aussi, l'apprivoiser ? ] et commence à parler :
Elle révèle qu'Elian n'est plus malade le dimanche soir et va à l'école avec entrain.
La nouveauté de l'année ce sont les amis: Elian a des amis!
Puis la semaine suivante, la maman explique le divorce douloureux de l'année passée,
un enfant qui ne savait pas où et avec il allait vivre.
Mais je sais que cette année sera douce, je le sais depuis toutes ces années à ramasser
les petits élèves à la petite cuillère, des petits élèves qui se remettent à vivre, à rêver ici.
Je sais que cette année sera douce car le rêve transforme le chagrin de la séparation;
le théâtre, la littérature, la poésie, la peinture
transforment les grandes douleurs en joies sublimes
Et puis , au bout du compte l'art amène au travail avec le meilleur de soi-même.
Et puis je vois bien qu'Elian a besoin de ses petits compliments,
il a besoin qu'on souligne ce qu'il sait faire.
Je devine son sourire au moment où il me tourne le dos...