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brèves de classe
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28 août 2012

Poésie à dire

La maîtresse avait acheté un recueil de poèmes, joliment illustré.

 

 Elle avait pensé en refaire un semblable

avec les élèves, rassemblant leurs poèmes préférés .

Voila qu'au détour d'une page

elle se trouve nez à nez avec un poème guère amical :

long, abrupt, pompeux

CARNAVAL

Venise pour le bal s'habille.
De paillettes tout étoilé,
Scintille, fourmille et babille
Le carnaval bariolé.
Arlequin, nègre par son masque,
Serpent par ses mille couleurs,
Rosse d'une note fantasque
Cassandre son souffre-douleurs
......Théophile Gautier

Et puis voici que sa poulette saute sur ses genoux et

lui en réclame la lecture.

Déraisonnable à son âge (croizans) mais sur ce, elle s'exécute.

Lorsque le poème se pose sur ses lèvres ,

lorsque les mots sont articulés par sa bouche

alors là le poème guère amical, long, abrupt, pompeux , se déploie, 

exhibe sa superbe. Chaque mot-caillou devient un bijou cousu

dans l'instant sur un habit de fête.

Alors là, la maîtresse acquiert la conviction que l'unique raison d'être

d'un poème est d'être mis en bouche, oralisé.

S'il s'est retrouvé collé sur la page du recueil

c'est pour voyager en conservant sa couleur.

Et s'il en était de même pour le théâtre ?

 

 

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27 août 2012

Ornella

                                    

                  

                                        Lorsque la maîtresse n'était pas encore maîtresse,

                                   elle travaillait dans  une école primaire :

Elle prenait les élèves en soutien, surveillait parfois une classe,

recevait un groupe en informatique, gérait la B.C.D. 

Elle faisait ses premiers pas,

à nouveau, timidement ,

dans le monde de l'enfance.

Elle voulait défaire

les noeuds de l'échec scolaire,

elle voulait y mettre du sens,

elle qui , à l'école, avait été capable

du meilleur  comme du pire!

Lorsque la maîtresse n'était pas encore maîtresse

elle accueillait, tous les midis, les élèves en B.C.D.

Elle eut même, un midi, un grand moment de solitude,

après la lecture d'un album  facétieux  qui mit les lustucrus en émoi.

Une maîtresse lui avait révélé que le retour au calme n'était

qu'affaire de technique! Celle qui rêvait d'être maîtresse comprit

que le rire aurait donc droit de cité dans sa classe.

C'était le temps d'alors; lorsque la maîtresse

n'était pas encore maîtresse; il y a une décennie.

Un midi,  la maîtresse accueillit cinq ou six élèves 

qui souhaitaient dessiner. Tous assis autour de la grande table,

Ornella, 7 ans, faisait les quatre cents coups,

volait une gomme à sa voisine, un crayon au voisin,

jettait des regards assassins,

tirait la langue et distribuait des coups de pied sous la table.

La maîtresse qui n'était pas encore maîtresse

connaissait cette petite fille: bonne élève, sérieuse , attachante.

Elle se questionna et questionna la petite

sur le déroulement du repas à la cantine : R.A.S.

Elle la questionna ensuite sur sa matinée (R.A.S.),

puis sur le trajet de l'école (R.A.S.), le petit-déjeuner (R.A.S.).

C'est alors que la petite évoqua un cauchemar fait durant la nuit.

Mince alors!

 Que faire

des cauchemars encombrants!

Finalement la maîtresse

pas encore maîtresse

proposa à la petite de dessiner

ce fameux cauchemar.

Dix minutes après, Ornella lui apporta  le dessin

d'un monstre terrifiant  un couteau à la main.

Remince! Le temps de trois battements de cils

la maîtresse hasarda alors un:

"Tu pourrais le mettre dans une cage ce monstre :

un carré  et des traits pour les barreaux.

Tu peux aussi jetter la feuille,  le monstre avec, dans la poubelle."

La maîtresse observa du coin de l'oeil la fillette :

Celle-ci regagna sa place, dessina une prison pour son cauchemar

puis retourna à ses dessins sans incommoder ses voisins.

La maîtresse doit réfléchir à des actes symboliques.

 

24 août 2012

Aylin

 

 

Aylin, née en Turquie,

vivait en France depuis l'âge de 2 ans.

Elle apprenait sa langue maternelle avec sa tante.

Un matin, alors que le sujet s'y prêtait,  

la maîtresse dit à ses petits élèves de C.E.1,

majoritairement

non francophones  à la maison,

qu'ils avaient bien de la chance, eux,  

de parler deux langues

(le français et la langue des parents).

La maîtresse aurait bien aimé, elle ,

connaître deux langues:

"Moi à 7 ans je ne savais parler qu'une langue, le français,  c'est tout"

La maîtresse voyait bien les yeux ronds de ses cocos .

Aylin, née en Turquie,vivant en France depuis l'âge de 2 ans,

parlait turc à la maison, Mélanie portugais, Tatiana espagnol

Médi et sofian arabe, Mahamadou un dialecte africain.

 

Il y  a deux ans et demi, au retour de son congé  maternité,

on lui confia des petits-moyens

dans une école nichée au coeur d'une communauté turque.

Certains ne parlaient que la langue maternelle.

La maîtresse lutta silencieusement contre ses collègues ,

contre l'impérialisme culturel et linguistique de l'école :

Quelle circulaire interdit aux enfants de parler

leur langue maternelle à l'école,notamment dans la cour de récréation?

Quel principe exige qu'un petit de 3 ou  4 ans ne puissent pas

parler turc en croisant son  cousin dans la classe?

La maîtresse est fonctionnaire de l'Etat et elle sait bien que son travail

c'est qu'ils maîtrisent le français.

Mais de quel droit, leur intimerait-elle de ne jamais utiliser

cette langue précieuse de papa, cette chanson du quotidien

entremélée de tendresse qu'est la langue maternelle?

Cette langue parlée à la maison riche de dits et de non-dits, 

lourd et heureux héritage culturel et familial.

Pourquoi l'école d'aujourd'hui la relèguerait 

au rang de la clandestinité.

La maîtresse sait que le danger

c'est de se perdre dans le culturalisme

(s'intéresser au culturel et perdre de vue les apprentissages).

Aylin, née en Turquie,

vivait en France depuis l'âge de 2 ans.

 

Elle  révèla à la maîtresse , avec ses mots, qu'elle pensait que

l'école lui demandait de  choisir entre le français et le turc.

 

 

Dès la porte fermée sur l'intimité de sa classe,

la maîtresse parle avec son coeur  à ses élèves .

 

 

18 août 2012

Théâtre en juin

Enzo est  un footballeur sentimental :

Premier sur le terrain de foot, 

il s' essaye à la rime. Obstinément.

Il lit à la classe des poèmes de son cru.

Il vise tant la rime que le poème échoue à prendre son envol.

Et puis un jour Enzo annonce l'écriture d'une pièce de théâtre.

Il recrute une dizaine d'acteurs,

gère les répétitions pendant les récréations,

se procure des accessoires.

La représentation a lieu une semaine plus tard:

La pièce relate les péripéties de trois garçons

happés par un livre dans un monde parallèle .

On y trouve une quête (trouver l'épée magique pour tuer un géant)

l'évocation des relation parents-enfant, 

de l'humour, une cohérence des évènements.

La maîtresse est sous le charme.

La petite troupe a été invitée à se produire dans une autre classe.

Elle envisage, à la rentrée prochaine, de renouveler l'expérience du théâtre,

de filmer les élèves afin qu'ils aient un regard sur leur travail

et, peut-être, une représentation devant les parents.

 

17 août 2012

"Je suis nul en français"

 

 Il y a 7 ans, maîtresse suppléante:

David, en C.E.1, dyslexique et

pris en charge par la R.A.S.E.D. , était un enfant joyeux et entouré.

La fois où la maîtresse avait listé toutes les manières

de se défendre face aux collégiens voisins

David avait plaisanté:

  "moi je montre mes fesses!"

David aimait les mathématiques,

Il était dans les strarting-bloks

et au top départ il noircissait son cahier.

En français c'était une autre chanson.

Quand la maîtresse disait " grammaire!",

David n'était plus là puisqu'aucune trace n'apparaissait sur le cahier

La maîtresse s'affola :

"Dis donc  David, on dirait que tu aimes beaucoup les maths!"bonnet_ane

Le petit acquiesça

"Mais en français quand on fait la correction, 

toi tu en es encore à écrire la date,

le numéro et la page de l'exercice.

Je ne comprends pas ce qui t'arrive.

- Bein oui, je suis nul en français !!"

Quelle horreur!

Comment un enfant pouvait-il imaginer cela!

Quel sentiment terriblement !

La maîtresse tenta de le rassurer :

"Mais  personne n'est nul en math ou en français."

Il y a juste des enfants qui sont inquiets

car ils ne comprennent pas un exercice,

parce qu'ils ont peur de se tromper.

On va passer un pacte :

dès que tu as un doute,  tu m'appelles

et je viendrai tout de suite t'aider."

David appela la maîtresse une seule et unique fois!

Voulait-il vérifier la corde qui le parait?

 Il travailla, ensuite, régulièrement en français.

 

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