Vendredi la maîtresse des CM1est allée au réfectoire rendre visite aux petits de la maternelle.
Histoire d'humer un peu d'insouciance. De dérober un peu de tendresse.
La maîtresse y trouve, Noélie, la petite soeur d'une de ses élèves.
Deux larmes brillent dans son cou. Elle est punie; injustement punie
puisqu'elle décrit une pécadille.
La maîtresse a appris à ne plus prendre pour argent comptant
toutes les fabulettes des enfants.
Le soir elle salue la maman à la grille et parle du réfectoire. La grande soeur vend
la mêche et Noélie est épinglée.
La maman explique à la maîtresse que depuis une semaine son comportement
a changé et que la douce Noélie est devenue une rebelle.
La maîtresse se souvient alors de Bryan, son rebelle de l'an passé; celui qui défiait
son autorité juste histoire de rencontrer l'autorité.Et il l'avait rencontrée car
la maîtresse s'était durcie, elle était devenue féroce.Elle avait sorti son artillerie
et tirait à vue.
Et puis à 13h30, la maîtresse lisait un poème; un très beau poème,
souvent incompréhensible, une douce rimaille qui la charmait,
un poème qui soutenait les palpitations de son coeur.
Juste pour les faire frissonner. Et puis elle faisait l'appel et au traditionnel "présent "
elle exigeait un mot du poème. Attention UN mot. Pas deux ni trois; le "l' " avait
l'agrément et était proposé avec défi par certains qui , au final, s'en lassaient.
Et bien ce Bryan, en pleine tempête révolutionnaire piochait "pleure" chez Verlaine,
"souffrance" avec Musset, cueillait "douleur " avec Baudelaire , la"tombe" avec Hugo.
Après quelques semaines de bataille acharnée, la maîtresse fait un lien , hypothétique,
entre la révolte et les mots. Voilà de quoi la faire plier; voilà de quoi la radoucir:
Les grandes douleurs l'émeuvent, les chagrins d'enfants ne lui font plus peur.
En aparté, la maîtresse lui expose ses observations et lui fait part de ses hypothèses.
Bryan acquiesce ; il admet qu'un chagrin l'habite, cette douleur lui vient de l'absence
de son père, ce papa divorcé qui, le jour des visites, sort avec ses potes.
La maîtresse explique qu'être parent c'est pas toujours facile,elle sait de quoi elle parle,
qu' il n'y a pas d'école de parent, que ce papa ne joue pas son rôle de père mais
qu'un jour, peut-être et que , donc, faut lui laisser une place mais que pour l'instant
le chagrin et la colère sont légitimes.
Cependant il n'a pas à discuter l'autorité du père à travers la maîtresse.
La maîtresse c'est la maîtresse, elle a d'autres chats à fouetter,et le père c'est le père.
Faut pas mélanger les genres.
Après ça c'est vrai, Bryan s'est calmé. Il n'a plus contesté la place de l'adulte; du moins
pendant quelques semaines. Ensuite il s'y est mollement remis.
La maîtrese avait appris plus tard qu'un beau-papa existait , mais jamais il n'avait
été évoqué. Dommage! Il aurait pu faire fonction de père.
Revenons à Noélie, notre douce rebelle.
La maîtrese évoque avec la maman une vague histoire de rebellion qui masquait
en réalité des inquiétudes, des tristesses inavouées.
La maman parle d'il y a une semaine, concomitamment au
changement de comportement, le changement de chambre
puisque depuis une semaine , elle dort seule,
la grande ayant migré dans une autre pièce.
Et Noélie est impressionnable dans l'obscurité.
La maman de Noélie écoute l'expérience de la maîtresse et
la remercie pour ses idées.
Dans son for intérieur la maîtresse est orgueilleuse .
Ce lundi matin la grande soeur explique à sa maîtresse qu'elle en a discuté avec la petite.
A suivre....