le petit cahier de Medhi
Medhi est arrivé sur l'école en septembre.
Un élève en grande difficulté scolaire.
Une maîtresse qui se sent démunie.
Medhi a beaucoup écrit dans le cahier du matin, avec bonheur et sans complexes,
avec beaucoup d'erreurs d'orthographe et quelques erreurs de son. Moyenne
Ses 1ers textes étaient des récits de combats violents,
habités par des monstres terrifiants, des textes syntaxiquement incorrects
(J'avais besoin de son éclairage pour les comprendre) .
Le voisin avait avoué, un jour: " les textes de Medhi me font un peur".
Je cache au fond de moi un sourire qui sait
que les textes libres font parfois peur aux enseignants...
Et puis la maman,
vue une fois et puis deux
Une maman qui sait que
son fils a une mémoire
d'éléphant, qui trouve
son fils très intelligent.
ça redonne le moral
cet enthousiasme
de mère.
Et puis, plus les semaines
passent et plus la maîtresse est d'accord avec cette maman. Une maman qui pleure
dans la classe parce que c'est dur d'être seule avec deux garçons.
Elle a raconté ce père qui n´a pas reconnu son fils.
La grand-mère qui préfère les garçons aux filles et
qui fait de ses petits enfants "des rois pourris gâtés",
ce qui rend sa tâche bien difficile à la maison.
Medhi qui ferait toujours les mauvais choix pour lui-même selon cette maman.
Medhi qui a refusé d'adopter le beau-père attentionné.
Finalement il n'y a plus de beau-père.
Qui sait ce qui pousse certain à renvoyer aux calendes les mains tendues,
les occasions de panser ses blessures.
Une maman qui demanderait bien l'aide de l'Etat. Comme un tiers paternel ?
Une maîtresse imagine bien que la scolarité poussive parle
des souffrances intérieures, que quelque chose empêche
Médhi d'exploiter tout son potentiel.
La maîtresse sait depuis le 2ème jour de classe qu´il sera
un des grands chantiers de l'année, entre limites à poser,
apprentissages à retisser, un enfant à réconciler avec les savoirs.
Et plus les mois passent et plus les textes se sont étoffés:
il ne s'agissait plus de combats,
ça parlait de rencontre entre deux garçons et d'amitié,
ça parlait d'un enfant fana de jeux vidéos et qui décide de sortir
pour trouver des amis, ça parlait de son petit frère un peu magicien.
Les textes du matin sont devenus tendres,
communicables à une société d'enfants.
L'écriture est devenue lisible, les erreurs sont moins prégnantes.
Cette paix intérieure serait-elle propice aux apprentisages?